Lorsque l’on parle de révolution technologique, il est difficile de ne pas évoquer les intelligences artificielles (IA) tant elles se sont propagées rapidement et ont changées les habitudes de nombreuses personnes, et ce, dans une multitude de domaines.
L’art et particulièrement la création musicale dont nous parlerons aujourd’hui sont particulièrement touchés par ce phénomène, créant ainsi le débat au sein de la communauté hip-hop, notamment autour de questions morales.
La déshumanisation de l’expression artistique
L’un des principaux risques associés à l’utilisation de l’IA dans le rap réside dans la déshumanisation de l’expression artistique. A l’heure actuelle, ces technologies ne sont pas encore assez performantes pour capturer l’essence même de l’expérience humaine, les luttes personnelles ou encore les émotions qui font du rap un moyen puissant d’expression. Cependant, au vu de l’ascension fulgurante qu’ont connu ces technologies, (qui n’existaient pas sous cette forme, ou du moins, pas pour le grand public) on peut d’ores et déjà se demander si elles n’y parviendront pas dans quelques années, faisant donc de ces innovations, un risque pour les rappeurs.
Le danger de l’uniformisation créative
L’IA, guidée par des modèles préexistants de succès, pourrait conduire à une uniformisation créative. Si les artistes se fiaient trop aux algorithmes pour dicter leurs choix créatifs, le rap pourrait perdre de sa diversité et de son individualité, avec des productions musicales de plus en plus axées sur des formules préétablies, plutôt que sur des expériences uniques, et, sur le fait de représenter quelqu’un d’humain, avec ses défauts, ses qualités et ses opinions, auquel le public pourrait davantage s’identifier.
Un public et des artistes qui évoluent
Face à une scène qui pourrait s’uniformiser comme évoqué au-dessus, nous pouvons assister à une évolution des mentalités du côté des consommateurs de rap. En effet, malgré une partie du public qui ne semble pas dérangée à l’idée d’écouter de la musique artificielle, il reste une multitude de personnes qui s’oppose à cela, bien déterminée à boycotter ces musiques et à faire changer les mentalités notamment en raison des soucis d’éthiques que cela pose.
A côté de cela, de plus en plus d’artistes arrivent à avoir du succès toute en ne faisant aucune concession, c’est désormais le public qui s’adapte et non l’inverse. L’exemple le plus flagrant étant Laylow, dont la musique jugée un temps « underground », a su remplir 2 fois Bercy, et ce, en très peu de temps (15 minutes pour le premier, 2 heures pour le second). La musique loin des codes du mainstream semble donc avoir de l’avenir, point positif face aux algorithmes qui ont davantage tendance à proposer quelque chose de plus générique.
La menace sur l’emploi des beatmakers, et artistes visuels
L’incorporation de l’IA dans le procédé créatif pourrait également menacer différents emplois de l’industrie musicale. Bien que « trop récent » pour remplacer les rappeurs (à l’heure actuelle en tout cas) comme dit précédemment, les beatmakers (qui composent les instrumentales) et artistes visuels (réalisant notamment les pochettes d’albums ou encore les visuels de concerts) pourraient être progressivement remplacés par des algorithmes.
Le beatmaker Kosei a par exemple utilisé une cover générée par une IA pour son ep « AI » sorti le 31 octobre dernier et regroupant 2 titres, choix qui a d’ailleurs été relativement controversé, notamment sur X (anciennement Twitter), en commentaires et citations de sa publication annonçant la sortie du projet.
Lien : Kosei X
La solution : trouver un équilibre
Bien que l’intelligence artificielle puisse offrir des opportunités innovantes dans le monde du rap, les risques associés ne peuvent être ignorés. Il incombe à l’industrie musicale dans son ensemble de naviguer avec précaution afin de préserver l’authenticité, la diversité et l’humanité qui font du rap un art si puissant, le public a également un rôle très important à jouer.
La question n’est pas seulement de savoir comment l’IA peut améliorer la création musicale, mais aussi comment elle peut être intégrée de manière responsable sans compromettre l’essence même du rap français tout en permettant la pérennité des métiers de ce secteur. La réponse à cette question pourrait déterminer l’avenir de cette fusion entre la technologie et la culture musicale.
Article écrit par Jordan Gnanapragassa